Boko Haram et la mise en récit du terrorisme au « Sahelistan »

par Marc-Antoine Pérouse de Montclos

La mise en récit du terrorisme au « Sahelistan » fait preuve d’une certaine myopie historique. Dans le cas de la secte djihadiste Boko Haram au nord-est du Nigeria, elle ignore ainsi le vieux clivage qui a opposé l’empire du Borno au califat de Sokoto. De plus, elle tend à redécouvrir des phénomènes anciens de rébellion sous la bannière d’un islam radical. Enfin, elle replace systématiquement les djihads du monde contemporain dans une perspective globale qui revient à négliger les dynamiques locales des insurgés. À partir des exemples de Rabeh et cheikh Hayat, cet article vise à déconstruire les représentations du péril mahdiste autrefois ou terroriste aujourd’hui. L’objectif est d’analyser à la fois les différences et les récurrences d’insurrections qui permettent d’apprécier les profondes transformations de l’islam dans la région du Borno.




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Deux théocraties islamiques en concurrence

Au début du xixe siècle, le sultan du¤Borno refuse de rejoindre le djihad d’Ousmane dan Fodio, un Peul qui fonde la capitale de son califat à Sokoto en pays haoussa. Aujourd’hui, les insurgés de Boko Haram préfèrent donc se référer à son État islamique plutôt qu’à la monarchie « décadente » du Borno. Celle-ci fut finalement mise à bas par un autre djihadiste, Rabeh, tué par les Français en 1900. Paradoxalement, les Kanouri du Borno n’en constituent pas moins la principale base sociale de¤Boko Haram.

Sources : H. Lovejoy (2013), "African Diaspora Maps Catalogue", http:www.africandiasporamaps.com ; Hérodote, n° 159, 2015, p. 80. Édigraphie, 01/2016.

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