Justices en mutation au Burundi

par Émilie Matignon

Loin de se cantonner à une dimension purement institutionnelle ou au seul processus de justice transitionnelle, la justice burundaise conjugue temps et modalités distincts, attestant ainsi de sa nature profondément hétéroclite et globale. Son exercice, son appropriation et sa légitimation par les acteurs qui l’élaborent et ceux pour qui elle est appliquée sont empreints d’hybridation et de rationalités concurrentes. Le pluralisme à la fois juridique et judiciaire de la transition offre ainsi un espace de réflexions et de pratiques variées autour de la justice, tel un « laboratoire » foisonnant, il enseigne sur ce qu’est la justice, ou du moins sur ses mutations en cours, mais également sur ce qu’elle pourrait être.




Cartes et photos associées
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Le théâtre, une forme de catharsis. Cette photographie a été prise quatre jours après la précédente prise de vue lors d’une autre représentation de la pièce Burundi, simba imanga (Burundi, passe le précipice). Les comédiens jouent et interprètent leurs propres vécus tragiques, ce qui peut aboutir à une forme de catharsis. Sur cette photographie, la peinture rouge sur les mains des comédiens représente le sang versé au sein des deux communauté, hutu et tutsi, au cours de l’histoire du pays. Après chaque spectacle, des groupes de paroles sont organisés avec la population et animés par deux psychologues, afin de recueillir les perceptions des Burundais sur la justice transitionnelle. De plus, cette pièce a fait l’objet d’une vidéo en 2009 largement diffusée au Burundi auprès des communautés villageoises, ainsi que des ONG internationales et des associations locales.

Photo de Anne-Ael Pohu (RCN Justice & Démocratie), Ngozi, Burundi, février 2008.

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Un spectacle théâtral pour exorciser les traumatismes. Cette photographie montre une représentation théâtrale de la pièce Burundi, simba imanga (Burundi, passe le précipice), jouée en plein air dans la ville de Ngozi, en février 2008. Cette région burundaise, la province de Ngozi, lieu de cette représentation, a été durement touchée par les massacres de 1972, de 1988 et de 1993. Cette pièce de théâtre a été mise en scène par Philippe Laurent, puis intégrée aux activités de l’ONG belge RCN Justice & Démocratie. L’auteur a recueilli des témoignages auprès de victimes, d’anciens réfugiés, de démobilisés à travers tout le pays, mais aussi d’historiens et intellectuels burundais. Le metteur en scène montre notamment la complexité de l’histoire burundaise, l’origine des violences extrêmes, les possibles mécanismes pour sortir de la crise de confiance et les voies de la réconciliation, dont un simulacre d’une commission « Vérité et réconciliation ». Ainsi, il travaille sur les massacres de 1972, de 1993, sur le massacre de Buta en 1997 et met en lumière un « acte juste » à travers le récit d’une femme tutsi qui protège des enfants hutu orphelins. Le jeu des comédiens est accompagné de chants en kirundi et du son de l’Idono, un arc musical traditionnel.

Photo de Anne-Ael Pohu (RCN Justice & Démocratie), Ngozi, Burundi, février 2008.

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Histoire, géographie et identification des violences au Burundi (1961-2014)

Cette carte représente les principaux épisodes de violence qu’a connu le Burundi de 1961 à 2014. Elle identifie les lieux et zon es des exactions et répertorie ces dernières à l’aide de quatre catégories. : assassinats politiques, massacres de masse, affrontements factieux et représailles envers les populations civiles. La première catégorie, « .assassinats politiques. », vise les meurtres d’un ou plusieurs leaders ou membres d’un parti ou groupe politique donné. L’entrée « .affrontements factieux. » désigne les combats qui ont eu lieu entre deux ou plusieurs forces armées, FNL, CNDD-FDD, forces de défense gouvernementale, milices, etc. La désignation « .représailles envers les populations civiles. » entend qualifier les « .autres violences. » commises au Burundi, d’une ampleur variable, et étant très souvent le fait de factions armées, quelles qu’elles soient, à l’encontre des civils. La dernière catégorie, « .massacres de masse. », renvoie aux tueries à caractère identitaire et/ou génocidaire perpétrées à l’encontre d’un nombre très important de civils. Cette carte n’a pas la prétention d’établir un recensement exhaustif de toutes les violences commises au Burundi pendant la période étudiée, mais propose une photographie d’ensemble la plus représentative possible.

Sources : élaboration à partir des données de l’auteur ; D. Vidal, Nouveaux acteurs, nouvelle donne : l’état du monde 2012, La Découverte, 2011 ; P. Anouilh, « Sant’Egidio et les métamorphoses de la fabrique de la paix. Une étude comparée Mozambique-Burundi », thèse de doctorat en science politique, sous la direction de François Constantin, p. 187-188.

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