L’imbroglio centrafricain

par Emmanuel Chauvin

      Christian Seignobos

L’imbroglio centrafricain est né du prolongement de plusieurs situations. Structurellement, le pouvoir central est confiné dans la capitale et les grandes villes. Dans le nord du pays, des rébellions ont pris le contrôle de l’espace rural et divisé le territoire national en une mosaïque de territoires plus ou moins autonomes. Au fil du temps, des bandes de coupeurs de route, les zargina, ont imposé un modèle prédateur d’organisation de l’espace. Les putschs de François Bozizé et de Michel Djotodia ont favorisé l’enrôlement massif de mercenaires étrangers, tchadiens et soudanais, dans les conflits centrafricains. La prise du pouvoir de Bangui par la Séléka, en mars 2013, mêle ces composantes de façon inextricable. Elle se traduit par une mise en coupe réglée du pays suivie d’affrontements à connotation religieuse.




Cartes et photos associées
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Organisation du territoire rebelle dans le nord-ouest de la Centrafrique (2005-2012)

Un espace rebelle n’est pas une vaste « zone grise », mais un territoire approprié et organisé. Certains lecteurs pourraient soulever le risque de détournement politique de cette carte. Les risques sont limités étant donné l’accord de la rébellion pour mener des enquêtes sur son territoire, la dissolution officielle de l’APRD et la connaissance relativement répandue de ces données en Centrafrique. La base de l’APRD de Maraze n’a pas été localisée. Pour cette carte, comme pour les autres, les toponymes sont les mêmes que ceux utilisés sur les cartes régionales de l’Institut géographique national (France), les dernières du genre pour la Centrafrique (réalisées dans les années 1960 et 1970).

Sources : S. Spittaels, F. Hilgert, 2009 ; E. Chauvin à partir d’enquêtes de terrain, 2010-2012 ; UE, 2010

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Bases des coupeurs de route (2000-2012)

Cette carte fait apparaître la stratégie de localisation des coupeurs de route : implanter des bases dans des zones peu denses, mal contrôlées par l’État, sans trop s’éloigner des cibles (éleveurs, diamantaires, voyageurs) et des lieux de recel (villes, pays voisins). Seules les principales bases des coupeurs de route sont représentées. La cartographie des enlèvements recensés par une partie des éleveurs et sur un temps court permet d’entrevoir la dimension « industrielle » du phénomène de kidnapping.

Sources : J. Boutrais, J. Crouail, 1986 ; E. Chauvin à partir d’enquêtes de terrain, 2010-2012 ; C. Seignobos à partir d’enquêtes de terrain, 2009-2012

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Les migrations des deux courants d’éleveurs peuls vers la Centrafrique (1920-2000)

Dans ses grandes migrations, chaque lignage mbororo a suivi une voie différente. Les proximités spatio-temporelles dans les migrations ont participé à la production des groupes identitaires Wodaabe, Jaafun et Aku. Relief et réseau hydrographique sont mentionnés, les éleveurs en tenant compte dans leurs migrations (trypanosomiase, pâturages de saison sèche, etc.). En Centrafrique, les limites des communes d’élevage de Pombolo et de Yaloké n’ont pu être tracées, faute d’informations. Les voies d’arrivée par le Cameroun sont mieux connues que celles du Tchad.

Sources : J. Boutrais, 1977, 1978, 1988, 1990 ; E. Chauvin à partir d’enquêtes de terrain, 2010-2012 ; G. Romier, 1999 ; C. Seignobos à partir d’enquêtes de terrain, 2009-2012

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Dix-sept ans de conflits irréguliers, de banditisme et de razzias (1996-2013)

Cette carte a le défaut de sa qualité : la synthèse. Elle a été construite à partir d’entretiens, de revues de presse (France, Cameroun, Centrafrique) et de recensements. La cartographie d’une périodisation longue implique de figer et de simplifier les dynamiques des conflits. Faire figurer des parties blanches à l’intérieur de la Centrafrique est quelque peu trompeur. Au cours des dix-sept dernières années, aucune région n’a été épargnée par des violences armées, à l’exception de la forêt dense. Toutefois, supprimer des informations permet d’en lire d’autres.

Sources : Emmanuel Chauvin à partir d’enquêtes de terrain menées en Centrafrique, au Cameroun, au Tchad et à Paris, 2010-2013

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