Stratégies d’adaptation aux vulnérabilités du pastoralisme

par Bernard Bonnet

      Bertrand Guibert

Les trajectoires familiales mettent en évidence la perception qu’ont les éleveurs des crises et des aléas successifs qu’ils ont eu à affronter de manière récurrente : sécheresses, épidémies, insécurité, contraintes liées aux politiques d’aménagement. Face à ces différents facteurs mettant à l’épreuve la vulnérabilité des familles, les éleveurs ont développé des réponses et des stratégies dont l’efficacité est évaluée de manière rétrospective : diversification de la mobilité, accès aux aliments du bétail, développement de la pluriactivité, pratiques nouvelles contre l’insécurité… Au regard de ces analyses, on est conduit à s’interroger sur la pertinence des stratégies de sédentarisation des pasteurs, l’agropastoralisme contraint par la perte d’une grande partie du bétail n’offrant pas, en définitive, d’alternative viable socialement et économiquement.




Cartes et photos associées
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Cette photographie a été prise au début du mois de décembre 2009 dans le village de Gatanga de la commune de Dantiandou (département de Kollo et région de Tillabery). Ce village est situé au sud-ouest du Niger. Elle montre le puits villageois public de Gatanga. Les zébus des villageois, présents au troisième plan de la photographie, appartiennent à un commerçant du village de Gatanga. Ils sont gardés par un berger salarié. Les femmes qui sont venues chercher de l’eau au puits du village sont celles des pasteurs environnants.

Photo de Bodé Sambo, Dantiandou, Niger, 6 décembre 2009.

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Cette photographie a été prise au début du mois de décembre 2009, au cours d’une mission de recherche, dans le village de Gatanga de la commune de Danthiandou (département de Kollo et région de Tillabery). Le troupeau, au deuxième plan, appartient à un commerçant du village de Gatanga. Le berger guidant les têtes de bétails est salarié de ce même commerçant. Il a auparavant perdu le sien. Il vend donc sa force de travail et son savoir-faire pour les villageois de Gatanga. Au moment des récoltes et aux abords du village dans un champ libéré, le berger marche et le troupeau pâture sur des résidus de récolte à terre.

Photo de Bodé Sambo, Dantiandou, Niger, 6 décembre 2009.

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Le circuit de mobilité de Rougga-Kampa en 2010

Située dans la zone de Banibangou, au Niger, cette carte représente les changements de parcours de transhumance vers l’est, pour réduire les risques d’insécurité, et des circuits de mobilité des pasteurs, orientés sur un axe sud-nord. Le point de départ est Kampa Peul. Le premier tracé rose clair, vers le nord-ouest, représente le circuit « .habituel. » avant la recrudescence du banditisme rural dans le nord et le Zarmaganda. Depuis, les bergers ont tendance à s’orienter à l’est, vers la zone de Balleyara et Filingué (Abala). En octobre-novembre au retour de l’hivernage (trois à quatre mois : juillet, août, septembre), compte tenu du manque d’espace dans le terroir d’attache, ils restent dans la commune de Hamdallaye pour la vaine pâture et la cure salée, d’abord dans le Dallol, et puis dans le Fakara en décembre et janvier. Dix-huit étapes sont nécessaires pour parvenir à la zone de séjour d’hivernage. L’ancien circuit peut être estimé à 250 km, et l’actuel à moins de 200 km.

Sources : Bodé (2010) et Bonnet, Guibert (2012). Édigraphie, 04/2014.

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Trajectoires des familles de pasteurs de Dantiandou au Niger de 1972 à 2010

Ces trois frises chronologiques et thématiques retracent les trajectoires des systèmes d’élevage analysées chez les 46 familles de pasteurs rencontrés à Dantiandou. Elles sont ordonnées en trois groupes décrivant des évolutions plus ou moins fortement remises en cause par la succession des sécheresses de 1973 et de 1984. Le plus notable dans cette analyse des trajectoires familiales est que les familles ne parviennent pas à revenir à un système pastoral chaque fois que les pertes dépassent 50 % du troupeau bovin. Le premier groupe rassemble les trajectoires des familles en situation de très grande vulnérabilité ; elles sont progressivement sorties du système pastoral. Elles n’ont pas pu se maintenir en système agropastoral et sont conduites à vivre de travaux pour des tiers, notamment le gardiennage de bétail pour des agriculteurs de la commune. Le second groupe met en évidence des trajectoires qui ont fait passer les familles du pastoralisme à un agropastoralisme qui semble se prolonger, même si souvent l’objectif de ces anciens pasteurs est d’acquérir suffisamment de bovins à nouveau pour revenir à un mode de vie d’élevage pastoral. Le troisième groupe met en évidence des trajectoires qui ont fait preuve d’une moindre grande vulnérabilité et d’une plus grande résilience. Ces évolutions sont la plupart du temps datées en référence à la sécheresse de 1973, mais c’est celle de 1984 qui est venue la plupart du temps déstabiliser un peu plus l’équilibre fragile des systèmes pastoraux ou agropastoraux.

Source. : Bonnet, B., Guibert, B. (2012), Vulnérabilités et efforts d’adaptation des familles des pasteurs face aux crises récurrentes. Enseignements tirés de l’analyse de l’activité pastorale dans les trajectoires familiales, ANR « . Vulnérabilité, Milieu, Climat et Société. », Projet de recherche « .Élevage, Climat et Société. », ECLIS - IRAM, novembre. Édigraphie, 04/2014.

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