Convoitises et conflits entre ressources pastorales et extractives au Nord-Niger

par Abdoulkader Afane

      Laurent Gagnol

Cet article évoque les difficultés qu’ont les pasteurs nomades à perpétuer leurs conditions d’existence face aux multiples contraintes auxquelles ils sont confrontés (climatiques, politiques, économiques). Outre les problèmes d’insécurité, de cloisonnement et d’accaparement des terres pastorales, ils subissent les impacts de l’exploitation minière par des sociétés internationales, notamment de l’uranium dans l’Eghazer, qui fonctionnent selon des logiques extraterritoriales. Aux impacts sanitaires et environnementaux s’ajoutent la confiscation de terrains de parcours ainsi que les entraves mises à la circulation des troupeaux, et ce malgré les droits fonciers et malgré la reconnaissance de la mobilité des pasteurs nomades dans la législation nationale.




Cartes et photos associées
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Avec la mise en place de la société Somina, en 2010, deux cités minières ont été construites à proximité du village d’Azélik. La Cité 2, occupée par les employés nigériens, est érigée à moins de 3 km de l’usine de traitement du minerai d’uranium. En outre, on observe un afflux de demandeurs d’emploi et de petits commerçants ambulants qui tendent à se fixer dans le village. Non encadrée par les pouvoirs publics, cette situation est critiquée par la société civile qui craint la transformation du village en une véritable ville-champignon, à l’exemple d’Arlit, créée ex nihilo à partir de 1969 à proximité des sites miniers des filiales d’Areva et dont la population dépasse aujourd’hui 100 000 habitants. Cette « urbanisation » du village d’Azélik s’accompagne de débats locaux sur l’arrivée de populations exogènes et sur les menaces identitaires que cela pose.

Photo d’Abdoulkader Afane, Azélik, Niger, 2010.

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Cette photographie représente une chamelle d’un élevage spéculatif avec un chiffre d’identification remplaçant la marque de bétail traduisant l’organisation lignagère. Aujourd’hui, de riches citadins, surtout des commerçants et/ou hommes politiques, souvent issus de communautés pastorales (Arabes, Touaregs et Peuls), investissent dans l’élevage camelin. Leurs grands troupeaux sont confiés à des bergers salariés, qui sont accompagnés par un membre de la famille du propriétaire qui leur met à disposition des moyens modernes d’élevage (4x4, GPS, téléphones satellites « Thuraya », citernes, stocks de fourrages et de compléments alimentaires). Il existe des troupeaux de chamelles laitières près des grands centres urbains ; mais le bétail est généralement destiné à la vente. Il est alors acheminé vers les pays voisins (Algérie, Libye, Nigeria) en raison de prix plus élevés. Cet élevage spéculatif s’éloigne des pratiques et des valeurs pastorales de leurs communautés. Le bétail est marqué au moyen d’un numéro d’identification qui s’oppose à la marque de propriété représentée par un symbole (ejwal), lequel rend visible l’organisation lignagère et invisible l’effectif du troupeau. Le symbole « 0 », apposé sur le cou de la chamelle, montre qu’elle a été achetée puisqu’il s’agit de la marque (ettebel ou tadot) de l’ancien propriétaire, un Touareg Kel Gress. Cette marque principale lignagère est souvent accompagnée d’une autre distinctive au niveau familial, située sur la joue (tazezleyt).

Photo d’Abdoulkader Afane, Injitan, Niger, 2013.

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Exploitation des ressources pastorales et de l’uranium au Niger

Cette carte donne à voir la concentration annuelle des transhumants dans la zone centrale de l’Eghazer à la suite de la fermeture de certains parcours pastoraux très appréciés pour leur teneur en sels minéraux, en raison de l’insécurité et de l’implantation récente de sites d’exploitation minière. Cette situation de concentration et de pression accrues est responsable des nombreux conflits qui déstabilisent la gestion traditionnelle des ressources naturelles reposant sur des accords collectifs et le partage dans l’espace et dans le temps de pâturages et de points d’eau (puits, sources salées, etc.) gérés en commun.

Source : élaboration de Laurent Gagnol et Abdoulkader Afane, 2014. Conception et réalisation de Laurent Gagnol, Édigraphie, 04/2014.

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Le puits de Teguindé a été réalisé par l’État nigérien dans le cadre du programme d’hydraulique pastorale des années 1960. Puits public, son accès est libre, contrairement aux puits privés pour lesquels une redevance est exigée après chaque abreuvement, notamment pour le bétail des pasteurs transhumants. L’absence d’un droit d’usage prioritaire renforce la forte fréquentation autour de l’ouvrage. Sa situation en périphérie de la zone centrale de l’Eghazer, où il existe de nombreux conflits liés à l’exploitation des ressources pastorales (eau et pâturages), explique sa particularité d’être fréquenté par les pasteurs transhumants. De nombreux transhumants Peuls n’ayant pas accès à certains parcours pastoraux se retrouvent ainsi dans la zone de Teguindé. Ce puits est aujourd’hui un pôle d’échanges entre les transhumants et les locaux.

Photo d’Abdoulkader Afane, Teguindé, Niger, 2010.

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La cure salée de l’Eghazer, un enjeu géostratégique

Cette carte montre l’échelle internationale des enjeux de l’exploitation et de l’exportation des ressources minières du Niger (uranium et pétrole notamment, sans parler de l’or, du charbon, de l’étain, etc.), ainsi que l’ampleur des circuits pastoraux et commerciaux des nomades et des transhumants qui convergent vers la cure salée lors de la saison des pluies.

Source : élaboration de Laurent Gagnol et Abdoulkader Afane, 2014. Conception et réalisation de Laurent Gagnol, Édigraphie, 04/2014.

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Le site minier d’Eghazer fait partie des trois gisements d’exploitation de l’uranium du permis « Teguida » appartenant à la Société minière d’Azelik (Somina). En raison de sa profondeur, le gisement d’Eghazer est le seul site exploité au moyen de galeries souterraines forées ou dynamitées. Le manque d’équipement rend d’autant plus pénible et dangereux le travail des mineurs.

Photo d’Abdoulkader Afane, Eghazer, Niger, 2010.

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