Marginalisation politique et politisation des structures alternatives de pouvoir dans la province de la côte au Kenya en 2013

par Killian Ngala Chome

Cet article s’intéresse à la manière dont le sentiment de marginalisation éprouvé par les habitants de la province de la côte, au Kenya, a entraîné la politisation de structures alternatives de pouvoir. De nouvelles figures sont apparues, qui ont contesté la légitimité des représentants élus de la Province en assumant divers rôles politiques, dont un appel au boycott des élections. Pour l’auteur, cette situation résulte de la marginalisation politique des députés de la côte dans l’espace politique national et de l’incapacité qui s’ensuit de mobiliser un pouvoir politique local. Cette caractéristique lui sert d’angle d’analyse des dynamiques électorales à l’œuvre dans la Province lors du scrutin général de 2013 et lui permet d’observer les stratégies déployées par les structures alternatives de pouvoir pour orienter le verdict des urnes, avec plus ou moins de succès.




Cartes et photos associées
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Une cérémonie d’intronisation. Lors du dernier rassemblement politique de la coalition Jubilee, organisé dans la région de la côte est, avant les élections du 4 mars 2013, le candidat Uhuru Kenyatta (au centre) et son colistier William Ruto (à sa droite) sont intronisés Kaya Elders en présence de Najib Balala, ancien ministre du Tourisme, au Khadija Grounds (école primaire de Khadija) du county de Mombasa. Rencontre publique et spectacle de légitimation du pouvoir moderne par les autorités traditionnelles, l’institution des Kayas des Mijikenda (les forêts sacrées de la côte du Kenya), ce spectacle public d’approbation de la candidature présidentielle de Uhuru Kenyatta ne s’est néanmoins pas traduite en votes réels. En dépit d’une vigoureuse campagne menée par l’équipe Jubilee, Kenyatta a proportionnellement obtenu moins de voix que Mwai Kibaki, l’ancien président, en 2007.

Photo de Killian Ngala Chome, Mombasa, Kenya, mars 2013.

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Source : Commission indépendante en charge du découpage électoral.

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Source : Commission électorale du Kenya et Commission indépendante en charge du découpage électoral.

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« Kura Haramu » ou « Le vote est illégal ». Cette photographie montre un graffiti réalisé sur un mur de Mombasa en 2012. Il y est écrit en swahili : « Kura Haramu » ou « Le vote est illégal ». De culture majoritairement musulmane, par rapport à un arrière-pays à prédominance chrétienne, la région de la côte kényane connaît un processus grandissant de marginalisation. L’idée que la démocratie et son corollaire, le vote, sont « haram », fille de l’Occident conquérant et associés à l’oppression des musulmans, et par extension des côtiers, par l’État kenyan, s’est largement développée dans le discours des mouvements politiques de la côte. Le cri de ralliement du Mombasa Republican Council (MRC), « Pwani Si Kenya » (« La côte n’est pas le Kenya »), au cours de la campagne, participe de ce climat politico-religieux tendu. Le MRC ira d’ailleurs jusqu’à appeler au boycott des élections générales de mars 2013.

Photo de Killian Ngala Chome, Mombasa, Kenya, 2012.

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KANU : Kenya African National Union (Union nationale africaine du Kenya).

PNU : Party of National Union (Parti de l’Union nationale).

CORD : Coalition for Reforms and Democracy (Coalition pour les réformes et la démocratie).

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