Les élections générales de 2013 au Kenya

par Christian Thibon

Les élections kényanes de mars 2013 apparaissent exceptionnelles, du moins atypiques : pacifiques alors que la bipolarisation politique, comme les précédentes confrontations électorales violentes, laissait craindre le pire. Mais l’optimisme dégagé est mitigé par une mobilisation ethnique qui reproduit le clivage fondateur de l’histoire kényane alors que la victoire d’Uhuru Kenyatta, de justesse au premier tour, pas si surprenante au regard d’une campagne électorale fort médiatisée, ouvre un nouveau cycle politique, toujours marqué par les pesanteurs et les défis du passé. Cet événement, et les inconnues qu’il soulève, dévoilerait-il une nouvelle donne dans la vie politique kényane, dans la géopolitique et dans la société qui connaît de forts bouleversements économiques et socioculturels ?




Cartes et photos associées
afco_247_0015_img003

Débats électoraux télévisés, une première au Kenya. Organisé en public à Brookhouse School à Nairobi le 25 février 2013, une semaine avant les élections générales du 4 mars au Kenya, le deuxième débat télévisé rassemble les huit candidats en lice pour la présidentielle. Ils se tiennent sur une scène, juste avant le direct, dans un décor et des couleurs largement influencés par les élections américaines. Dans le pays, c’est un grande première et, étant donné le taux d’audience, ces débats politiques télévisés sont de véritables temps forts de la campagne électorale. Cet exercice nouveau a officialisé un changement générationnel et révélé la dimension nationale des candidats qui, au cours des débats, sur les questions les plus sensibles, ont utilisé le swahili, de préférence à l’anglais. Finalement, ces deux débats ont été au bénéfice d’Uhuru Kenyatta, plus apte dans cette communication audiovisuelle, que Raila Odinga, apparu usé, alors que dans les sondages, les candidats étaient au coude à coude. Fait marquant et fortement symbolique, l’émission s’est terminée sur des accolades entre les candidats et leurs familles.

Photo de Joan Pereruan, AFP, POOL, Nairobi, Kenya, 25 février 2013.

kenya-vers-une-repartition-territoriale-homogene-des-partis

Partis politiques dominants représentés par county (parlementaires, sénateurs, gouverneurs, représentants des femmes)

Au-delà du découpage bipartite entre les deux coalitions politiques, Jubilee et Cord, à l’élection présidentielle de mars.2013, cette carte montre la répartition homogène des partis politiques dans la représentation de l’échiquier électoral issue des différentes élections (parlementaire, sénatoriale, gouverneur et représentant des femmes) et leur ancrage géo-ethnique.

Source.: www.elections2013.nationmedia.com/governor.html

kenya-2013-une-geographie-electorale-bipolarisee

Élections présidentielles et élections des gouverneurs par county

Les résultats du scrutin présidentiel dévoilent une géographie électorale avec une bipolarisation pluriethnique dans les trois quarts du pays, soit deux Kenya, un Kenya central, du Mont Kenya et de la vallée du Rift, tout acquis au ticket Kenyatta-Ruto, et un Kenya des périphéries, l’ouest et l’est, tout acquis au ticket Odinga-Kalonzo, constituant deux blocs ethnicopolitiques.

La ville de Nairobi échappe en partie à cette logique bien que la fragmentation politico-ethnique impose sa marquée dans les quartiers. De tels clivages se vérifient également à l’échelon local dans certains territoires, des circonscriptions parlementaires (constituencies), des conseils locaux (wards), mais, dans ce cas, il s’agit de petites ethnies, voire de clans, suffisamment concentrées pour peser sur les résultats. La comparaison des cartes des différents scrutins vient néanmoins nuancer légèrement cette dichotomie électorale et politique en montrant dans certains counties, par exemple dans le county de Narok ou de Kajyado au sud, la combinaison de votes au profit des deux principales coalitions selon les scrutins. Il en est de même des données locales, la composition des conseils des counties dévoile la présence nationale des grands partis (ODM.: 26,8.%.; TNA et GNU.: 26,3.%.; URP.: 15,7. %), la présence regionale de leurs alliés ou de petits partis historiques (Wiper.: 6,3.%.; UDF.: 3,8.%.; Ford Kenya.: 3.%.; Kanu.: 3.%), mais les élus des petits partis, indépendants ou alliés aux coalitions, pèsent encore près de 18.% dans ces conseils alors qu’ils ont disparu sur la scène nationale.

Source.: Independent Electoral and Boundaries Commission, mars.2013. Sur les élections locales, Y.P.. Ghai, “Etnhicity, Nationhood and Pluralism.: Kenyan Perspectives”, Katiba Institute, Nairobi, septembre.2013.

CONSULTER L'ARTICLE