La CPI, Dieu et les élections kényanes de 2013

par Hervé Maupeu

L’inculpation de deux leaders politiques, Uhuru Kenyatta et William Ruto, a constitué l’un des enjeux principaux de la campagne électorale de 2013. Ces deux inculpés ont constitué une alliance politique improbable rassemblant les deux principales ethnies qui s’étaient opposées lors des violences post-électorales de 2008. Ils ont habilement recristallisé l’identité politique de leur communauté respective en diffusant des discours de victimisation et en formulant une relecture de l’histoire de leur ethnie faisant d’eux des héros. Cette stratégie a bien fonctionné car ils ont usé efficacement d’un registre religieux, de type néo-pentecôtiste, donnant une grande force à leur message de repentance et d’autojustification. Ils se sont fabriqué une nouvelle virginité et l’impunité des élites kényanes s’en est trouvé ainsi renouvelée. Ce faisant, ils ont également infléchi la culture politique du pays en développant une véritable « pentecôtisation » de la vie politique. Depuis le scrutin de 2013, l’État kényan s’est donné pour priorité absolue d’assurer l’impunité de ses dirigeants.




Cartes et photos associées
afco_247_0033_img002

Ferveurs religieuses et grands-messes de paix. La veille des élections générales, le dimanche 3 mars 2013, le candidat à la présidentielle Uhuru Kenyatta (à gauche) et son colistier William Ruto (à droite), tous deux à genoux, prient publiquement lors d’une grand-messe interconfessionnelle à Kiambu.

Les deux coalitions ont usé de ce mode de communication politique. Raila Odinga s’est fortement appuyé sur le prophète David Owuor et son organisation. Ainsi, l’un des moments forts de la campagne fut le vaste meeting de national repentance d’Uhuru Park, à la fin février 2013, mené par ce leader religieux au nom de Cord. À cette occasion, tous les leaders politiques ont parlé de la repentance du pays après les violences post-électorales de 2008. Ils ont annoncé que les élections se dérouleraient sans recours à la force, quelle qu’en soit l’issue.

Photo de John Muchuchaafp, AFP Photo, Kiambu, Kenya, 2013.

afco_247_0033_img001

La paix, clé de la campagne électorale 2013. Quatre jours après le vote, la majorité des résultats électoraux est déjà annoncée, et Uhuru Kenyatta semble l’emporter, vu qu’un second tour n’aura finalement pas lieu. Sur cette photographie, des partisans du parti The National Alliance (TNA), dont le leader est Uhuru Kenyatta, se rassemblent au siège de la coalition Jubilee. L’un d’entre eux porte sur les épaules un tissu imprimé rouge et blanc aux couleurs du parti TNA, un tissu imprimé de type kanga, porté généralement par les femmes qui comporte habituellement des messages religieux, moraux ou amoureux. Une colombe, symbole de paix universellement reconnue, y figure. Mot d’ordre de cette élection générale de mars 2013, la paix est l’élément discursif central des leaders de Jubilee. Ces derniers se présentent comme de véritables pèlerins de la paix, promettant la fin des tensions entre les communautés qui avaient subi les violences post-électorales de 2008.

Photo de Phil Moore, Nairobi, Kenya, 2013.

CONSULTER L'ARTICLE