Côte d’Ivoire : possibilités et limites d’une réconciliation

par Bruno Charbonneau

En Côte d’Ivoire, malgré les déclarations d’intention des dirigeants ivoiriens, les obstacles politiques aux réformes sont nombreux, et parfois en contradiction avec l’objectif avoué de réconciliation. L’analyse des possibilités et des limites de cette réconciliation démontre que non seulement la consolidation de la paix piétine, mais que la situation politique favorise un gel des positions. Les limites de la réconciliation ivoirienne se retrouvent dans un équilibre de forces politiques qui profitent des conditions de sécurité précaires et d’un processus de réconciliation qui exacerbe les polarisations. Ainsi, le processus de réconciliation participe aux plus récentes pratiques d’inclusion et d’exclusion et à la militarisation croissante de la vie politique ivoirienne.




Cartes et photos associées
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La bataille d’Abidjan, lancée dans la soirée du jeudi 31 mars 2011 par les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) pro-Ouattara, désigne la phase « finale » de l’offensive éclaire qui a vu les forces armées s’emparer des principales villes au sud de la zone de confiance. La première semaine du mois d’avril, sur les dix communes d’Abidjan, six sont en cours de sécurisation par les FRCI et trois sont aux mains des forces pro-Gbagbo (Cocody, Plateaux et Yopougon sont les lieux principaux de la bataille, assiégés par les FRCI). Le 4 avril, les hélicoptères Mi-24 de l’Onuci et les Puma et les Gazelle de Licorne pilonnent les bastions pro-Gbagbo : la résidence, le camp de gendarmerie d’Agban, le camp militaire d’Akouédo, afin de « neutraliser les armes lourdes ». Le 11 avril, l’assaut est lancé contre la résidence présidentielle où Laurent et Simone Gbagbo sont faits prisonniers. La bataille d’Abidjan dure jusqu’au 4 mai, date à laquelle, la commune de Yopougon, défendue par des miliciens et des mercenaires libériens, est définitivement tombé entre les mains des FRCI.

Source : Pascal Airault et Philippe Perdrix, "Côte d’Ivoire : la bataille d’Abidjan", Jeune Afrique, 12 avril 2011.

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Le camp de Nahibly, situé près de Duékoué dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, a été attaqué le 20 juillet 2012 par plus de 300 personnes non identifiées, selon l’ONU, qui ont détruit le camp et chassé les déplacés. Environ 5000 déplacés y vivaient. Lors de l’attaque, il a été rapporté que des chasseurs traditionnels dozos attendaient et auraient tué certains déplacés qui fuyaient dans la forêt (au-delà du poste de guet sur la photo). Plusieurs organisations ont souligné l’incapacité de l’ONU à protéger les civils. Lors de la visite, le site était sous la surveillance de deux gars en vue de l’enquête, mais, comme la photo suggère, l’endroit avait été bien nettoyé.

Photo de Bruno Charbonneau, Duékoué, Côte d’Ivoire, 3 décembre 2012.

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Nous avons tenté avec cette frise chronologique de caractériser des moments politiques dans la Côte d’Ivoire contemporaine. De l’élection de 1990 qui vit s’affronter Félix Houphouët-Boigny, père fondateur de la nation ivoirienne et président depuis 1960, et Laurent Gbagbo, déjà l’éternel opposant. Après le décès d’Houphouët-Boigny, fin 1993, une guerre de succession s’instaura entre quatre prétendants, Henri Konan Bédié, président de l’Assemblée nationale et chantre du concept de l’ivoirité, Robert Gueï, chef d’état-major des Forces armées nationales de Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, le nouveau président, et les trois élections qui suivirent furent toutes contestées.

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Cette carte des mouvements des forces pro-Ouattara et des engagements armés aux mois de février et mars 2011 en Côte d’Ivoire s’inspire d’une carte tirée du rapport annuel de l’Institut international d’études stratégiques (IISS) sur les capacités militaires de 171 pays dans le monde, The Military Balance, Chapter Nine. Sub-Saharan Africa, mars 2012. Elle montre la "Zone de confiance" (ZDC) de la Côte d’Ivoire, érigée en juin 2003 et zone tampon jusqu’au 16 avril 2007, sous le contrôle de la Force de l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci) dont fait partie la force française Licorne. Elle montre surtout le lancement, le lundi 28 mars 2011, sur plusieurs fronts, de l’offensive des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), ex-Forces nouvelles pro-Ouattara, et son avancée fulgurante vers les villes du Sud. Le 29 mars, les villes de Duékoué et Guiglo (ouest), Daloa (centre), Bondoukou et Abengourou (est) sont prises et sous contrôle. Le lendemain, après la conquête de Tiébissou, les FRCI pénètrent à Yamoussoukro, la capitale politique ivoirienne. Le jeudi 31 mars, le port de San Pedro est investi, et, dans la soirée, la bataille d’Abidjan débute.

Sources : The Military Balance 2011, The Military Balance 2012, Strategic Survey 2011, IRIN, French MOD, OCHA, UN, Defense News.

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