Football et migration |
L’importation de footballeurs professionnels en France remonte à l’origine de la ligue professionnelle, en 1932. Elle est néanmoins restée pendant longtemps relativement limitée par l’existence de quotas stricts sur l’emploi de non-nationaux. Avant 1960, de nombreux joueurs ont été importés depuis les anciennes colonies africaines, en particulier l’Algérie et le Maroc. Ces footballeurs étaient alors considérés comme des « nationaux » et n’étaient pas soumis à des quotas. Cette situation a changé après les indépendances.
Entre 1960 et 1985, le nombre de footballeurs importés présents dans les équipes françaises du premier niveau est relativement stable. Certes, la présence d’expatriés est plus forte dans les années 1970 que dans les années 1960, mais le nombre moyen par club ne dépasse jamais les trois unités. La situation change à partir de la fin des années 1980, lorsque le nombre de footballeurs non-nationaux tolérés passe à cinq. Une autre décision juridique explique la forte augmentation observée après 1995 : l’arrêt « Bosman » de la Cour de justice des communautés européennes. Cet arrêt a aboli les quotas appliqués jusque-là pour les footballeurs détenant un passeport communautaire. Ainsi, lors de la saison 2005-2006, les équipes de Ligue 1 comptaient en moyenne presque dix joueurs importés, un niveau jamais atteint par le passé.
En 1960, alors que les indépendances sont encore en train de se faire, plus de la moitié des footballeurs expatriés présents dans les clubs français de Ligue 1 proviennent d’Afrique, tant du Maghreb (Maroc principalement) que d’Afrique subsaharienne (Cameroun). Nous observons aussi la présence de joueurs d’autres nations d’Europe de l’Ouest (Pays-Bas et Autriche) et d’Amérique latine (Argentine), alors que les joueurs d’Europe de l’Est sont presque absents. Au total, seize pays sont représentés.
Lors de la décennie qui suit les indépendances, l’importation de joueurs africains laisse d’abord la place aux recrutements effectués en Amérique latine (en Argentine et au Paraguay), puis en Europe de l’Est (presque exclusivement en ex-Yougoslavie) et en Europe de l’Ouest (surtout au Danemark et, dans une moindre mesure, en Suède). En 1970, les ressortissants européens représentent 80,4 % des expatriés, contre 30,3 % dix saisons auparavant. La part des Africains est en revanche passée de 54,5 % à 14,3 %. Ces chiffres reflètent l’existence d’un processus de substitution ayant suivi les indépendances. Lors de la saison 1970-1971, vingt et un pays sont représentés en première division française.
En 1985, le pourcentage de joueurs africains (surtout du Cameroun et de Côte d’Ivoire) et latino-américains (surtout d’Argentine) parmi les expatriés remonte à 50 %, une proportion que l’on retrouve en 1995 après avoir de nouveau décliné en 1990.
Entre 1995 à 2005, la part de joueurs africains et d’Europe de l’Est diminue dans un premier temps au profit de celle de footballeurs d’Europe de l’Ouest (surtout de Belgique) et, plus encore, d’Amérique latine (surtout d’Argentine et de Brésil). Cette situation est liée au nouveau régime juridique régissant les migrations internationales des footballeurs, favorisant les joueurs possédant un passeport communautaire. Les footballeurs d’Amérique latine détiennent un avantage par rapport aux Africains dans la mesure où ils peuvent souvent faire valoir des origines européennes et acquérir un passeport communautaire.
L’abandon progressif des quotas limitant le nombre de joueurs non communautaires explique le nouveau renversement de tendance intervenu entre 2000 et 2005 pour les Africains. La part des footballeurs de cette origine parmi les expatriés passe de 33,1 % à 46,1 %. L’augmentation la plus notable concerne les Sénégalais et les Ivoiriens. Entre 2000 et 2005, alors que la part de footballeurs d’Amérique latine (Brésil) continue à s’accroître, celle de joueurs d’Europe de l’Est et d’Europe de l’Ouest diminue sensiblement. Lors de la saison 2005-2006, 71,8 % des footballeurs expatriés provenaient d’en dehors de l’Europe, un pourcentage qui n’avait plus été atteint depuis 1965. En 2005, le nombre de pays représentés atteint une nouvelle valeur maximale de 41. Autant de signes qui évoquent l’existence d’un processus de mondialisation.